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Le projet d'autoroute A154 entre Dreux et Orléans va-t-il être à nouveau enterré ?


Publié le 26 septembre 2023

Les luttes locales



Première coopération régionale

Nous sommes militant.e.s, citoyen.ne.s, habitant.e.s de la région Centre Val de Loire. Depuis des mois pour certains et plus de 10 ans pour d'autres, nous luttons localement contre des grands projets écologiquement néfastes: plateformes logistiques pharaoniques, autoroutes et ponts, méga-bassines, immenses lotissements, industries nocives ou déboisement urbain. Des projets dépassés par l'urgence écologique et sociale qui nuisent à la qualité de vie dans nos territoires, nuisent à la santé en polluant l'air que nous respirons, artificialisent les sols accentuant le réchauffement climatique et la disparition de la biodiversité, des projets qui participent à une agriculture intensive pour certains et au grand déménagement du monde en dépit des travailleurs pour d'autres. Chaque jour des collectifs citoyens se mobilisent pour éviter que les décisions de quelques-uns, guidés par l'envie de profits immédiats, ne nuisent pas à la vie et l'avenir des millions d'autres. Nos combats différents relèvent d'une même logique : le refus de développement d'une certaine vision économique aberrante, détruisant les biens communs. Depuis décembre 2021 nous sommes organisé à travers une coopération pour renforcer nos luttes locales en menant une grande lutte régionale collective contre les projets écologiquement néfastes.

Article du Monde sur les points de bascule

<< C'est sans doute la notion la plus effrayante de tout le répertoire de catastrophes convoyées par la crise climatique : celle des points de bascule (tipping points, en anglais), ces seuils de réchauffement au-delà desquels des pans du système climatique entrent dans un état complètement nouveau et souvent irréversible, avec des impacts majeurs pour le climat, les écosystèmes et les sociétés humaines.

Dans l'évaluation la plus à jour sur le sujet, publiée vendredi 9 septembre dans Science, une équipe internationale de chercheurs reconnus pour leur expertise sur le climat identifie seize seuils de rupture entraînant un emballement mondial ou régional. Ils montrent un risque de multiplication de ces points de non-retour au-delà d'un réchauffement de 1,5 °C par rapport à l'ère préindustrielle - l'objectif le plus ambitieux de l'accord de Paris sur le climat - avec une menace qui s'accroît à chaque dixième de degré supplémentaire.

Mais même aux niveaux actuels de réchauffement ( 1,1 °C), le monde risque de passer cinq de ces dangereux seuils, avertissent les scientifiques : la disparition des calottes glaciaires du Groenland et de l'Antarctique de l'Ouest, le dégel abrupt du pergélisol (les sols gelés en permanence) dans les régions boréales, l'extinction des coraux tropicaux et subtropicaux et l'arrêt d'un élément important de la circulation océanique dans l'Atlantique Nord.

Le sujet fait l'objet d'une préoccupation grandissante de la part des scientifiques et du grand public depuis une première évaluation globale, en 2008. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) avait abordé pour la première fois cette notion dans son rapport d'août 2021, indiquant que le risque de déclencher des points de bascule devenait élevé à 2 °C de réchauffement, et très élevé entre 2,5 °C et 4 °C. Mais il n'avait pas entrepris d'évaluation systématique. La nouvelle étude, basée sur une analyse de 200 publications scientifiques ainsi que sur les modèles climatiques, les observations et les données paléoclimatiques, se veut plus exhaustive, se révélant souvent plus alarmante.

« Système auto-entretenu »

Les chercheurs ont conclu que seize systèmes biophysiques majeurs impliqués dans la régulation du climat de la terre - contre neuf dans l'évaluation de 2008 - ont le potentiel de franchir des points de bascule, où le changement devient auto-entretenu. Autrement dit, si ces systèmes - comme la calotte glaciaire, l'océan ou la forêt tropicale - franchissaient ces seuils, ils continueraient à évoluer vers un nouvel état, même si la température mondiale cessait d'augmenter. Ce changement est, selon leur définition, le plus souvent irréversible, mais pas forcément abrupt puisque la durée de la transition varie de quelques dizaines d'années à des siècles ou des millénaires.

Les scientifiques distinguent neuf systèmes qui affectent l'ensemble de la terre, comme l'Antarctique et la forêt amazonienne, et sept autres avec de larges conséquences régionales, comme la forêt boréale. De nouveaux éléments, tels que les bassins sous-glaciaires de l'Antarctique de l'Est, ont été ajoutés par rapport à l'évaluation de 2008, tandis que d'autres ont été supprimés, à l'image de la banquise arctique, d'El Niño ou du jet stream, notamment « en raison du manque de preuves d'un système auto-entretenu », indique l'étude.

Leurs résultats montrent que les émissions de gaz à effet de serre ont déjà propulsé la terre dans une zone de danger. Elle aurait quitté un état climatique considéré comme « sûr » lorsque les températures mondiales ont dépassé 1 °C par rapport à l'ère préindustrielle. Désormais, les chercheurs qualifient donc cinq points de bascule comme étant « possibles », puisque les estimations basses des seuils de températures qui pourraient les déclencher correspondent au réchauffement actuel. Quatre d'entre eux deviendraient « probables » avec un réchauffement de 1,5 °C. Et entre 1,5 °C et 2 °C - l'autre objectif de l'accord de Paris -, cinq autres systèmes pourraient basculer, entraînant notamment la disparition de la majorité des glaciers de montagne, le dépérissement du sud de la forêt boréale ou l'effondrement du courant océanique AMOC (circulation méridienne de retournement de l'Atlantique), qui joue le rôle de thermostat de la planète.

« Cette évaluation prouve que même l'accord de Paris n'est pas suffisant pour éviter un changement climatique dangereux. Mais elle appuie l'objectif plus ambitieux de 1,5 °C, car la probabilité des points de bascule est minimisée par rapport à 2 °C ou au-delà », indique l'auteur principal de l'étude, David Armstrong McKay, chercheur associé au Stockholm Resilience Centre (Suède) et à l'université d'Exeter (Royaume-Uni). Pour avoir une chance de maintenir le réchauffement à 1,5 °C à la fin du siècle, les émissions doivent être divisées par deux d'ici à 2030 avant d'atteindre la neutralité carbone en 2050.

Effet domino

Les Etats sont loin d'être sur la bonne trajectoire. Leurs politiques actuelles mènent la planète vers un réchauffement de 2,6 °C d'ici à 2100, selon les Nations unies (ONU). « Entre 2 °C et 3 °C, la terre pourrait franchir de multiples points de bascule dangereux, qui seront désastreux pour les populations du monde entier », prévient Johan Rockström, directeur de l'Institut de Potsdam (Allemagne) pour la recherche sur l'impact climatique, également auteur de l'étude. L'effondrement de la forêt amazonienne en fait partie. Une étude publiée par des scientifiques et des organisations indigènes, mardi 6 septembre, a montré que certaines parties de ce poumon vert, puits de carbone majeur et havre de biodiversité, ont déjà atteint une rupture.

Les impacts de ces points de non-retour sont considérables. L'effondrement du pergélisol entraînerait un réchauffement supplémentaire de 0,2 °C à 0,4 °C en relâchant les grandes quantités de méthane et de CO2 qu'il piégeait.

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Des centaines de millions de personnes dépendent des récifs coralliens pour leur subsistance - ils servent d'habitat aux poissons - et pour protéger les côtes. La fin de l'AMOC provoquerait un refroidissement intense de l'Atlantique Nord et une perturbation de la mousson mondiale tandis que la fonte des calottes glaciaires du Groenland et de l'Antarctique de l'Ouest élèverait le niveau de la mer de plus de 10 mètres - sur des milliers d'années.

Pire, certains points de bascule pourraient en entraîner d'autres, dans un effet domino. « L'effondrement du Groenland rend par exemple l'effondrement de l'AMOC plus probable, car l'eau de fonte fraîche accélère la perturbation de la convection [mélange en profondeur de masses d'eau] en eau profonde. La fin de l'AMOC perturberait à son tour les précipitations en Afrique de l'Ouest et en Amazonie, entraînant d'autres ruptures », explique David Armstrong McKay. L'hypothèse d'un point de non-retour du climat mondial, risquant de rendre la planète invivable, « n'a en revanche pas été démontrée », avertit-il.

Dangers croissants

« C'est très préoccupant, mais il faut garder en tête que ces changements pourraient intervenir sur des échelles de temps très longues. La fonte des calottes glaciaire ne va pas inonder New York dans vingt ans, comme dans les films catastrophes », rappelle le climatologue belge Jean-Pascal van Ypersele, professeur à l'Université catholique de Louvain, qui n'a pas participé à l'étude. « Cette revue de littérature est bien faite, mais se discute dans les détails », juge quant à lui Gerhard Krinner, directeur de recherche (CNRS) à l'Institut des géosciences de l'environnement et auteur du prochain rapport de synthèse du GIEC. « Rien n'indique que la calotte du Groenland peut disparaître sous le climat actuel, et cela n'a pas de sens de parler de processus auto-entretenu pour les glaciers de montagne », assure-t-il.

Face à des dangers croissants, les auteurs de l'étude appellent à réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre. « Nous devons maintenant déclencher des points de bascule socio-économiques qui accélèrent le passage aux énergies propres, appelle Tim Lenton, coauteur de l'étude et directeur du Global Systems Institute à l'université d'Exeter, au Royaume-Uni. Et il faudra aussi s'adapter aux pertes et dommages entraînés par les ruptures que l'on n'aura pas pu éviter. »>>


Cette contribution fait suite à mon intervention lors de la réunion des « Etats généraux des énergies renouvelables » en sous-préfecture de Dreux, le 21janvier 2022.